Dans son lit il est seul, ses amis le délaissent.
Et sa maman souvent montre des yeux rougis.
Il ne supporte plus que quelqu’un lui sourit,
Ne trouve pour autrui que le mot dur qui blesse.
Ah non ! pas de fauteuil ! il ne sera jamais
Celui que l’on promène en belle voiturette.
Depuis son accident seul objectif en tête,
Il veut rester secret, il veut rester caché !
Et papa maintenant qui entre dans sa chambre,
Qui s’assied sur son lit, semble vouloir parler !
Lui parler ! Dire quoi ? Depuis le 8 décembre,
Jour de son accident, il se sait emmuré ;
Non. Papa ne dit rien. Des larmes silencieuses
Descendent lentement sur ses joues amaigries.
Papa lui prend la main entre ses mains osseuses
Sans un mot de reproche pour ses propos aigris.
Sur le cœur de Fabien ces larmes, une à une,
Tombent et rebondissent et glissent lentement.
Ces pleurs, lourdeur de plomb, légèreté de plume,
Semblent laver en Luc tous les ressentiments.
Ces larmes, ce silence, cette pression des mains
En disent plus à Luc que toutes les paroles.
Il comprend tout à coup que, si sa vie s’étiole,
Il est seul responsable en fuyant les demains.
Papa se tait toujours, mais, dans ce fort silence,
Il crie très fort à Luc sa peine et ses espoirs.
Et Luc sent fondre en lui sa haine et ses méfiances.
Il sent bien que sa vie change à nouveau ce soir…
Quelques mois ont passé : voyez Luc aujourd’hui !
Dans les rues de la ville son fauteuil est partout !
Il l’appelle gaiement son trône à quatre roues,
Et il a retrouvé sa joie et ses amis.
Il arrive parfois qu’un peu de lassitude,
Un relent de cafard, assombrissent ses yeux.
Mais il secoue la tête et repart, cœur joyeux,
Fuyant le souvenir des vieilles habitudes.
Luc a conquis sa vie, s’est battu, a gagné.
Il a compris enfin que son premier malheur
Etait de donner prise au désespoir mauvais
Et de ne pas ouvrir les volets de son cœur…